Bonjour
Pourquoi quelques fanatiques s’efforcent-ils de mettre des ailes à la place des voiles sur des bateaux de croisière ?
Ce n'est pas qu’une question de mode mais également parce ce que cela augmente potentiellement considérablement les performances sous voile, principalement au près.
Pour analyser scientifiquement l’intérêt de l’aile vis à vis de la voile, il faut s’appuyer sur des considérations aérodynamiques. Ne vous inquiétez pas, il est possible de faire de la science sans support mathématique avec des équations indigestes. Je ne vais utiliser, comme support de mes explications, que des graphiques.
L’analyse de la performance d’une voile, ou d’une aile, a été influencée par l’aviation. Une des conséquence est que tout un chacun raisonne avec le fameux diagramme donnant le Cz (Cl dans la littérature anglo-saxonne) en fonction du Cx (Cd en Brit) qui représente l’évolution de la portance en fonction de la trainée d’un profil. Cx et Cz sont des coefficients sans dimension qui représentent la portance et la trainée d’un profil pour une incidence donnée. Cz est la projection perpendiculaire à la corde de référence et Cx est la projection sur la corde de référence. Ils sont représentés en rouge sur le graphique ci-dessous. Comme vous pouvez le voir sur le graphique, le Cz et le Cx ne sont en rien significatif des équilibres des forces du bateau; ils n’ont donc aucun intérêt pour nous qui analysons les voiles ou les ailes des bateaux.

- Décomposition des forces aérodynamiques au près
- décomposition des forces aérodynamiques au prés.jpg (24.56 Kio) Vu 72301 fois
Pour un avion en vol stabilisé en croisière, la vitesse de l’avion est, en première approximation, parallèle à la corde de référence. Dans ce cas, le Cz et le Cx représentent bien la portance et la trainée aérodynamique de l’aile. On a des équations faciles et sympathiques : la portance est égale et opposée à la masse de l’avion, la trainée est égale et opposée à la puissance nécessaire pour maintenir un vol stabilisé. Le graphique Cz / Cx permet d’évaluer directement la performance d’un profil. Comme ce n’est pas le cas pour la voile ou l’aile d’un bateau nous devons trouver une autre projection, et donc un système d’axes, qui soit mieux adaptée.
Remarque : La représentation en Cz/Cx aéronautique reste adaptée pour l’étude des profils des quilles ou des dérives des bateaux car l’angle de dérive d’un bateau reste faible. Par contre c’est moins vrai pour le profil d’un safran qui peut avoir un braquage signification pour contrer un bateau ardent. Cependant pour des angles de braquage faible du safran cette représentation peut être utilisée.
Comme on le voit sur la figure, la projection pertinente est celle qui est représentée en noir sur le schéma avec la force aérodynamique (F) qui est projetée d’une part parallèlement à la vitesse (Fr) pour donner la force propulsive, la seule qui nous intéresse vraiment, et perpendiculairement à la vitesse (Flat) qui est la force de dérive. Nous avons alors, comme pour l’avion, des équations simples et sympathiques : la force propulsive est égale et opposée à la trainée du bateau; la force de dérive est égale et opposée à la portance (dans l’eau) développée par la quille ou la dérive.
Le problème est, comme on le voit sur le graphique ci-dessous, que l’orientation de la voile ou de l’aile dépend du vent et non pas de l’orientation de la coque et de sa vitesse. On ne peut utiliser ce système de projection que pour une allure donnée. Si l’on change d’allure, il faut refaire toutes les projections. Ce n’est pas très pratique !

- Orientation de la portance selon les allures
- Orientation de la portance selon les amllures.jpg (14.36 Kio) Vu 72301 fois
Comme c’est une représentation qui est plutôt bien documentée, je propose d’utiliser pour les voiles et les ailes les graphiques qui montrent le coefficient de portance Cz en fonction de l’incidence (alpha). Ce n’est pas entièrement satisfaisant car, en première approximation, la portance est perpendiculaire à la direction du vent apparent et pas du tout à celle de la vitesse du bateau mais cela permet cependant de comparer les performances d’une aile à celle d’une voile à une allure donnée et en particulier au prés.
La figure ci-dessous est représentative de l’évolution de la portance en fonction de l’incidence pour une voile. Aux faibles incidences (en dessous de 10°) la voile ne porte pas et, sauf pour les voiles de jonque, la voile fasseille et la portance est nulle. Le coefficient de portance Cz (Cl) croit rapidement sur une plage d’incidence faible (entre 10 et 30°). La portance maximale est obtenue pour un angle d’incidence relativement important (entre 25 et 30°). Le coefficient de portance diminue assez rapidement après 30°.
La voile n’est performante que sur une plage étroite d’incidence et elle est inefficace aux faibles incidences. La portance max est obtenue pour une incidence relativement forte.

- Cz versus angle d'incidence pour une voile
- CZ versus angle d'incidence pour une voie.png (61.67 Kio) Vu 72301 fois
La figure ci-dessous est caractéristique de la variation de la portance en fonction de l’incidence pour une aile. On remarque qu’un profil symétrique est bien moins performant qu’un profil asymétrique. On voit que le graphique est assez différent de celui d’une voile. La portance augmente doucement et continûment d’une valeur nulle pour une incidence négative à une valeur maximale (pour une incidence nettement plus faible que celle de l’aile (ici 12°) sur une plage d’incidence relativement large (entre 15 et 20°). Les figures représentées ne le montrent pas mais la valeur du coefficient de portance max est plus grande pour une aile que pour une voile.
L’aile travaille à un angle d’incidence plus petit que la voile. La plage d’incidence utile pour une aile est plus grande que pour une voile. La portance maximale est plus forte pour une aile.

- Vz versus angle d'incidence pour une aile
- VZ versus angle d'incidence pour une aile.png (72.81 Kio) Vu 72301 fois
Bénéfice attendu du passage à une aile.
Au prés, comme l’incidence de portance max est plus faible, une même coque pourra remonter plus d’autant plus. C’est juste géométrique, avec une orientation de l’aile donnée ( la même que la voile) la surface portante ( et donc l’axe de la coque) aura un ange au vent plus faible et donc le bateau remontera mieux. Cela devrait augmenter significativement le VMG (la vitesse de progression dans le vent).
Si l’on se retrouve sur-toilé, avec une aile, il suffit de réduire l’incidence pour diminuer la puissance et en profiter pour pointer encore plus.
Avec un vent instable en direction (vent variable, houle ou capot par exemple) l’aile sera beaucoup plus tolérante et plus performante. Elle travaille toujours dans son « domaine de confort » et ne fasseille pas;
Avec un vent instable en force, il suffit de faire varier l’incidence pour adapter la puissance de l’aile au variations du vent. Au prés, le barreur barre à la gîte en lofant dans les rafales et en abattant dans les molles. Aux autres allures c’est avec l’écoute de grand voile ou le chariot de barre d’écoute que l’équipage fera varier l’incidence pour maintenir une gite optimale.
Lorsque le cap du bateau n’est pas stable (pilote automatique, ou pire régulateur d’allure) l’aile sera plus performante que la voile. Elle restera dans sa zone de confort malgré les écarts de cap.
En terme général un bateau de croisière avec une aile sera plus facile à naviguer, plus tolérant et plus performant.
Tous ces bénéfices sont intéressants sur un bateau de croisière si l’on arrive à concevoir des ailes simples et à un prix abordable.